10 octobre 2008
Enjeux idéologiques
La crise financière aiguë met l'accent sur un phénomène peu noté jusqu'à présent : le désarroi idéologique et intellectuel du Parti républicain, incapable, et pour cause, de formuler une critique claire des années de dérégulation à marche forcée qui viennent de s'écouler.
Les Républicains se sont reconstruits idéologiquement dans les années 1970, au moment du déclin de la gauche américaine, après 40 ans de magistère intellectuel et politique. Des années 1930 aux années 1970 en effet, le Parti démocrate domina les débats. Certes, il y eut des présidents républicains pendant cette période (Eisenhower et Nixon) mais ils ne voulurent ni ne purent remettre en cause les grands principes du New Deal. Même un Nixon, à la rhétorique politique pourtant agressive, développa les activités de l'Etat régulateur dans de nombreux secteurs, et était en fait bien plus "rooseveltien" qu'il ne le paraissait de prime abord. Les Démocrates étaient alors idéologiquement hégémoniques.
Les Républicains, mis hors-jeu par la Grande dépression, reconstituèrent donc leur doctrine dans les années 1970, grâce à des théoriciens comme les économistes de l'Ecole de Chicago, en particulier Milton Friedman. A partir des années 1980 et de la victoire de Reagan, ce sont eux qui dominèrent le champ politique, en imposant leurs thèmes, de telle sorte qu'un Bill Clinton participait de cette nouvelle époque, un peu comme Tony Blair en Grande-Bretagne qui ne remit pas en cause l'héritage de Thatcher. L'hégémonie était passée dans le camp républicain.
Mais voilà que ce magistère idéologique des Républicains s'effondre à grand fracas, dans la panique boursière. Le marché ne s'autorégule pas tout seul, et des millions d'Américains ont perdu leur maison et leur retraite. Les Démocrates profitent de la situation en fustigeant l'administration Bush, tandis que les Républicains s'avèrent incapables de coordonner une réponse un tant soit peu crédible. C'est que, autour de McCain, il n'y a plus d'économistes de haute volée. Il s'est entouré de femmes et d'hommes d'affaires (dont les anciens dirigeants de Ebay et de Hewlett-Packard) incapables de théoriser les événements en cours, et bien trop liés à la période de dérégulation pour pouvoir la critiquer. Par contraste, Obama dispose d'économistes capables de critiquer et de proposer, même de manière provisoire, des issues à la crise.
Les Démocrates ont donc l'occasion de reprendre la main, non seulement par l'élection d'Obama, mais, plus profondément, par la domination du champ des idées, actuellement déserté par des Républicains réduits à une surenchère de propositions peu crédibles et aux discours venimeux et pathétiques de Sarah Pailin.
photo : foule devant Wall Street en 1929.
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