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Elections américaines vues par Pap Ndiaye
Elections américaines vues par Pap Ndiaye
5 octobre 2008

Du Michigan à l'Ohio

John McCain a très récemment annoncé qu'il cessait ses efforts militants dans l'Etat du Michigan, qu'il espérait pourtant conquérir il y a peu. Le Michigan, qui compte environ 10 millions d'habitants (ce qui le situe au 8e rang national) est un Etat qui concentre une forte population ouvrière dans la région de Detroit, historiquement attachée au Parti démocrate depuis le New Deal. Même si les Républicains dominent les régions rurales du Nord et de l'ouest de cet Etat, ils ne l'emportent que très occasionnellement lors de l'élection présidentielle (ce fut le cas avec Reagan en 1980 et 1984). Or McCain espérait l'emporter dans le Michigan, pourtant durement touché par la crise et le bilan économique de Bush, en mettant l'accent sur les valeurs conservatrices, bien incarnées par sa colistière, et, plus subtilement, en jouant la "carte raciale" : la couleur de peau d'Obama, dans un Etat de Blancs pauvres en concurrence économique avec les Noirs pour l'allocation des emplois et des prestations sociales, était en effet susceptible d'attirer vers le Républicain des électeurs traditionnellement démocrates. Le pari était raisonnable mais il est perdu. La situation économique est si catastrophique que les "petits Blancs" courtisés par McCain voteront largement pour Obama (le taux de chômage du Michigan avoisine 9 %, un des plus élevés du pays). On notera que les syndicats, en particulier celui de l'automobile (l'UAW, affilié à l'AFL-CIO), se sont mobilisés pour Obama. Les militants syndicaux sillonnent les quartiers ouvriers, organisent des réunions, bref, essayent de convaincre la population blanche modeste que son intérêt de classe réside dans le vote démocrate. Cette fois encore, le Michigan restera dans l'escarcelle démocrate, de même, sans doute, que des Etats voisins et sociologiquement comparables comme le Wisconsin, le Minnesota et la Pennsylvanie. Il est presque certain que McCain ne parviendra à conquérir aucun des Etats qui avaient voté Kerry en 2004. Pire, il doit désormais se battre dans des Etats qui lui semblaient tout acquis, comme la Caroline du Nord ou la Virginie, alors que ses finances ne sont pas fameuses et que ses militants doutent. Qu'en sera-t-il de l'Ohio tout proche du Michigan, lui qui fait couler tant d'encre depuis plusieurs années ? Cet Etat est par excellence un "swing state", c'est-à-dire un Etat qui oscille entre Républicains et Démocrates, et ce depuis bien longtemps. C'est dans l'Ohio que l'élection présidentielle de 1948 se joua : Truman l'y emporta par moins d'1 % des votes et resta à la Maison Blanche. Les sondages avaient pourtant placé son adversaire républicain Dewey en position largement gagnante, à tel point que le "Chicago Tribune" imprima sa "une" annonçant la victoire de Dewey avant de connaître le résultat final (les sondages téléphoniques avaient minoré le vote populaire, à une époque où tout le monde n'avait pas le téléphone. Or les ouvriers n'abandonnèrent pas Truman).Deweytruman12 En 1976 également, l'Ohio décida de la victoire de Carter, qui l'emporta de justesse sur Ford. Même chose en 2000 et 2004, lorsque l'Ohio donna la victoire à Bush, de quelques dixièmes de point. Bref, il est exact que "qui l'emporte en Ohio emporte l'élection" (deux exceptions seulement, en 1944 et en 1960). D'où les efforts extraordinaires consentis par les candidats dans cet Etat, qui absorbe une part disproportionnée du budget des campagnes. Des milliers de militants (dont beaucoup viennent d'Etats sans enjeu), des dizaines de millions de dollars y affluent, et les candidats y viennent chaque semaine ! Le retrait de McCain du Michigan a notamment pour objet de rabattre vers l'Ohio des militants et de l'argent, mais il permet aussi à Obama de transférer des ressources. Les publicités pour l'un ou l'autre vont pratiquement disparaître des télévisions locales du Michigan. Ce retrait est un signe de faiblesse décourageant pour les Républicains, en même temps qu'il galvanise les Démocrates. C'est à ces signes-là que l'on mesure les difficultés d'une campagne et les succès d'une autre.
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